Vidéo : Rebecca Biesot, une assistante vétérinaire aveugle.
(La vidéo commence sur une scène de vie dans la cuisine. Un papa parle à sa petite fille et Rebecca habille son bébé)
Papa : Maman va sortir les chevaux et nous on va à l’école maintenant. Tu fais un bisou à maman, oui ?
Rebecca : Un bisou...
Papa : OK, au revoir maman.
Rebecca : Au revoir.
(Rebecca continue à habiller son bébé, elle lui fait un bisou sur le ventre.)
(Rebecca sort dans son écurie)
Rebecca : Pas vraiment des chaussures sexy. (rires)
Rebecca en voix off : Je suis Rebecca. Je monte à cheval depuis mes cinq ans. Déjà toute jeune, j’étais passionnée par les animaux. Donc ce n’était pas si étrange que je veuille devenir vétérinaire. (Elle sort dehors, les chevaux sont dans une court)
Mais bon, avec mon handicap, ce n’était pas si simple. (Elle équipe son chien-guide et sort de chez elle). J’ai la maladie de Stargardt, c’est une forme de dégénérescence maculaire. C’est pourquoi, je vois très mal depuis mon plus jeune âge... Et depuis mes seize ans, je suis aveugle. En fait, cela ne m’a pas empêchée de poursuivre mon rêve. (Rebecca est en rue, elle se fait guider par son chien). Parce qu’en Belgique cela n’existait pas, j’ai suivi une formation de soins vétérinaires aux Pays-Bas. Et, en dernière année, je me suis spécialisée en médecine animalière paravétérinaire. (Rebecca arrive sur son lieu de travail). Ce n’était pas si simple, car les gens avaient beaucoup d’a priori. J’ai fait mes études avec une vidéo-loupe ce qui me permettait de lire des textes et donc de suivre les cours. (Rebecca est à son bureau et utilise un poste de travail adapté. Une vidéo-loupe a été placée). Les gens étaient assez sceptiques par rapport à mes yeux, et je leur ai donc montré que ce n’était pas si impossible que ça. (Rebecca cherche du matériel dans des armoires. Ensuite elle écoute les messages laissés sur le répondeur).
Répondeur : Bienvenue au service de messagerie de Telenet. Oui bonjour, je vous appelle parce que mon Yorkshire a disparu ce week-end...
Rebecca, tout en nettoyant une table d’opération et en rangeant du matériel : Je cherchais un stage chez un vétérinaire. J’ai essuyé un bon nombre de refus chez différents vétérinaires. Puis j’en ai trouvé un : mon patron.
(Rebecca répond au téléphone et son responsable arrive dans le local).
Son responsable : Salut.
Rebecca : Salut. Molekke..., Klaas a été obligé de l’endormir ce week-end.
Rebecca donne des documents à son responsable. Elle parle en voix off : Je ne lui ai évidemment pas dit d’emblée que j’avais un handicap visuel, question de ne pas perdre immédiatement toutes mes chances.
Rebecca discute avec son responsable : Un Yorkshire perdu... Je crois qu’il était un peu choqué en voyant ma canne blanche mais à part ça, il n’a pas eu de problèmes avec tout ça.
(Rebecca pèse un lapin dans une balance vocale) : Reste assis... Mille. Nonante-cinq. Grammes.
Rebecca : Mon premier jour, il m’a dit : “S’il y a un truc que tu n’arrives pas à faire, … dis le. Mais pour le reste... tu participes normalement”. (Elle remplit une seringue et laisse le vétérinaire piquer le lapin). Quand j’ai fini mes études je m’ennuyais pas mal, donc je l’ai rappelé, lui.
Tout en tenant le lapin : Il est tout flagada ce lapin.
(Ils attachent le lapin sur la table d’opération et préparent l’intervention chirurgicale).
Vétérinaire : Rebecca m’a donc appelé pour me dire : “Je veux vraiment venir travailler.” Et je lui ai répondu que je ne pouvais pas vraiment la payer. Elle m’a dit : “Mais enfin, je m’ennuie.” Et la Ligue Braille a proposé de lui offrir un stage en immersion professionnelle. Et ces gens m’ont superbement soutenu. Ils se sont assurés que pendant... combien de temps, Rebecca ?
Rebecca : Deux ans...
Vétérinaire : Deux ans d’immersion professionnelle, pendant lesquels elle travaillait chez moi et, enfait, je ne devais pas la payer. Ce qui, à cette époque, était assez essentiel pour moi.
Rebecca : Tout ça a dûment été approuvé. J’ai donc reçu, et pu acheter, toute une série d’outils adaptés par le biais de la Ligue Braille. Et j’ai aussi suivi une formation en dactylo et en communication à la Ligue Braille pendant deux ans.
(Rebecca et le vétérinaire manipulent un chat. Rebecca cherche du matériel dans une armoire.)
Le vétérinaire parle tout en commençant l’opération d’un chat : Donc après ces deux premières années de stage, et ça, ils me l’avaient déjà dit auparavant : “Ecoutez, si vous l’engagez alors l’état prévoit une indemnisation et on vous garantit 30% du coût salarial mais vous pouvez espérer recevoir plus. Les gens de ce service ont procédé à une inspection. Ils ont regardé la situation et ont dit : “Et bien, vous engagez quelqu’un qui a un sérieux handicap, par rapport à ce travail-là.” Tous les coûts liés à Rebecca, me sont au final remboursés à 50%. En tant que petit indépendant, c’est bien sûr très important. J’ai pu suivre cette formation “in house” uniquement parce que Rebecca était là pour ouvrir, accueillir les gens, les aider, déjà leur donner des choses, etc... c’est aussi très important.
(Une personne rentre dans le cabinet du vétérinaire. Rebecca l’accueille et la salue).
Rebecca : La plupart le savent.
Vétérinaire : Ils le savent, entre-temps
Rebecca : Oui, entre-temps...
Vétérinaire : Le plus drôle, c’est quand ils viennent une quatrième ou cinquième fois ils me demandent discrètement, par exemple si c’est un jour où Rebecca n’est pas là : “Est-ce qu’il y a quelque chose avec les yeux de votre patiente ?”
Rebecca : Non!... de votre assistante.
Vétérinaire : De votre assistante ! Désolé... (rires). Et je leur dis : “Oui, bien sûr, il y a quelque chose avec ses yeux, elle est aveugle !” Tu vois qu’ils sont surpris, parce que les premières fois, ils ne l’avaient pas remarqué.
Rebecca : Mais, une fois qu’ils le savent leur réaction est plutôt positive. Tout ça est devenu assez évident, maintenant alors que ce n’est pas évident en soi. Quand il laisse des choses au mauvais endroit, il m’arrive de chercher longtemps.
Vétérinaire : Avant, il y avait des aiguilles d’injection partout alors elle se retrouvait souvent avec une ou deux aiguilles dans sa main. (rires) “Qui n’a pas rangé ses aiguilles?”. Maintenant il n’y a plus d’aiguilles qui traînent. J’ai appris à garder de l’ordre.
Rebecca : C’était nécessaire, aussi. Tout ça a pris son petit bout de temps. Combien, je ne sais plus.
Vétérinaire : C’est un processus d’apprentissage. À partir d’un certain moment, on a commencé à dire : Peut-être tu peux faire ça, et ça... C’est toi qui donnes les explications au téléphone maintenant, non ?
Rebecca : Oui, oui.
Vétérinaire : La plupart des renseignements téléphoniques, c’est Rebecca qui les gère. Elle donne des conseils, “faites ceci, faites cela, si après cela ne va pas mieux, passez nous voir, etc...” Elle est arrivée à un point où l’on ne se pose plus de questions. Mais ça n’a pas grand-chose à voir avec voir ou ne pas voir, c’est lié à l’expérience grandissante d’une assistante dans un cabinet vétérinaire. En fait, ça n’a rien à voir avec le fait d’être aveugle.
Le texte “Ouvrons les yeux sur leurs compétences” s’affiche avec le logo de la Ligue Braille.
*Fin de la vidéo*
Film réalisé avec le soutien de CAP48, de la Commission Communautaire Française et de la Secrétaire d’Etat aux personnes handicapées. Merci au au vétérinaire Bruno Verhaeghe et Rebecca Biesot.
© 2009 Nudge Productions.