Sortir de la cécité grâce à l’œil bionique

Dr. Fanny Nerinckx.

En mars, le Dr Fanny Nerinckx, ophtalmologue et chirurgienne de la rétine à l’UZ Gent, et son équipe, ont procédé, pour la première fois en Belgique, à la pose d’un implant rétinien – ou œil bionique. C’est une patiente souffrant d’une maladie visuelle héréditaire qui en a bénéficié. Grâce à cette intervention, elle peut à nouveau distinguer les formes telles que les fenêtres, les portes et les silhouettes. Pour en savoir plus sur cette intervention, nous sommes allés poser quelques questions au Docteur Nerinckx à l’UZ Gent.

Qu'est-ce que l'œil bionique et comment fonctionne-t-il ?

L'œil bionique ou implant, baptisé Argus II Retinal Prothesis System ou Argus II en abrégé, a été développé par Second Sight Medical Products. Ce système de prothèse rétinienne – composé d’une caméra vidéo miniature, d’un ordinateur de poche et d’un implant rétinien – ne restaure pas la vue, mais remplace en partie la fonction de la rétine lésée. La caméra miniature est logée dans la monture des lunettes du patient. Elle transmet les images enregistrées à un petit ordinateur, porté par le patient. Celui-ci traduit ces images et les transmet à l’implant rétinien via l’antenne qui équipe les lunettes. L'implant se substitue aux photorécepteurs endommagés et stimulent les cellules nerveuses encore intactes de la rétine au moyen de 60 électrodes. Ces cellules nerveuses transmettent les informations visuelles au cerveau, le long du nerf optique. Le patient semble à nouveau être en mesure de percevoir des images et/ou des formes. 

Qui peut bénéficier de ce traitement ?

L'implant est exclusivement destiné aux patients atteints d’une pathologie rétinienne qui ne touche que les photorécepteurs, c’est-à-dire les cellules photosensibles. Les autres cellules de la rétine, et en particulier le nerf optique, doivent être intacts. En effet, comme expliqué plus haut, l’implant transmet les stimuli via la voie optique naturelle. Autre condition, essentielle, le patient ne doit pas être atteint de cécité de naissance. Il faut qu’il ait pu voir pour être capable d’interpréter les signaux envoyés au cerveau. Les patients atteints de rétinite pigmentaire, une pathologie oculaire héréditaire qui se caractérise par une dégénérescence progressive des photorécepteurs à l’intérieur de l’œil, sont ainsi éligibles à la pose d’un œil bionique.    

À quoi le patient doit-il s’attendre après l’intervention ?

La pose de cet implant nécessite bien sûr une intervention chirurgicale. Celle-ci dure environ quatre heures car une partie de l’implant doit être posée autour de l’œil et une autre à l’intérieur de l’œil. En soi, il ne s’agit pas d’une intervention lourde et en l’absence de complications, le patient peut donc rentrer chez lui le jour même. 

La rééducation postopératoire est par contre fort longue et très exigeante pour le patient. La motivation du patient est absolument essentielle pour la réussite du traitement. Il doit apprendre à interpréter les signaux que le cerveau reçoit à nouveau et à distinguer à nouveau toutes les différentes formes. L’usage de l’implant nécessite beaucoup de travail et d’exercices, indispensables pour que le patient retrouve un maximum d’autonomie et profite au mieux de l’intervention. 

D’autres pathologies visuelles pourront-elles à l’avenir bénéficier de cette technique ? 

Ses indications restent malheureusement très limitées car beaucoup de conditions doivent être remplies pour qu’un patient soit éligible à la pose d’un œil bionique. Ainsi, le glaucome n’est pas une indication car le nerf optique est lésé et le système ne fonctionnera pas. Un essai clinique de pose de l’implant directement dans le cerveau est toutefois en cours aux Etats-Unis. Cette technique va ici encore plus loin car même les patients qui n’ont pas d’œil pourraient dans ce cas bénéficier de l’œil bionique. La seule condition reste toutefois que le patient ne soit pas aveugle de naissance.    

En attendant, qu'est-il advenu de la patiente opérée en mars ?

Grâce à la revalidation, la vision de cette patiente de 73 ans a déjà bien progressé et elle pourrait encore beaucoup s’améliorer. Aveugle depuis 10 ans au moment de l’intervention, elle obtient aujourd’hui les meilleurs résultats aux tests parmi tous patients ayant bénéficié de cette technique dans le monde. Comme déjà dit, la motivation des patients est très importante, c’est la clé du succès de l'intervention. La patiente décode très bien les signaux envoyés par l’implant au cerveau et elle peut faire le lien avec ce qu’elle voyait auparavant. Elle perçoit déjà très bien les contrastes. Elle voit ainsi des assiettes blanches sur une nappe foncée, identifie une porte ouverte ou fermée et dans la rue, elle voit les passages pour piétons et les trottoirs. Elle ne distingue toutefois pas les visages et ne pourra jamais le faire.

Il est très important de rappeler que l'œil bionique ne restaure pas la vision. L'implant doit être considéré comme une aide, au même titre qu’une canne blanche ou un chien-guide. Il ne guérit pas le patient et ne restaure pas la vision, mais améliore considérablement l’autonomie et c’est là l’objectif principal.
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