Notre nouvel espace SnoezelBraille a été inauguré lors du BrailleTech, le salon des aides techniques de la Ligue Braille. Y avez-vous remarqué la belle peinture murale ? Il s’agit d’une œuvre de l'artiste Edouard Colassin qui nous parle en détail de son travail.
Situé au rez-de-chaussée du siège social de la Ligue Braille, l’Espace SnoezelBraille est dédié à la psychomotricité et au « snoezelen ». Le terme snoezelen vient de la contraction de deux mots en néerlandais : snuffelen (renifler ou sentir) et doezelen (somnoler). Le concept a pour but l’exploration des cinq sens dans un endroit aménagé pour la détente.
La psychomotricité, elle, gère la relation entre le corps et la psyché. Son apport pour un public déficient visuel est multiple car elle travaille des notions nécessaires à la mise en place de l’autonomie : sensation d’équilibre, représentation et structuration spatiale, schéma corporel, travail postural…
L’espace SnoezelBraille est utilisé dans le cadre des suivis de la Ligue Braille. Une psychomotricienne aide les personnes dans un climat d’accueil et de sécurité.
C’est pour ça que l’apparence de cette salle a été soignée ! Edouard Colassin est l’artiste que nous avons choisi pour peindre la grande fresque couvrant le mur principal de la salle. Il nous en dit plus sur ce beau travail.
Edouard, peux-tu te présenter à tous ?
Avec plaisir ! Pour résumer mon parcours en une phrase, je suis illustrateur et artiste autodidacte belge de 25 ans. Mes domaines de prédilection sont la peinture acrylique et le dessin multi-techniques mais je ne me fixe aucune limite et continue d’apprendre notamment dans le dessin digital.
En quelques années, je me suis constitué un book assez étoffé et qualitatif me permettant d’obtenir une place sur le marché de l’art et des opportunités. Mes dessins ont été partagés sur les réseaux sociaux à de nombreuses reprises et mon travail reconnu par quelques célébrités.
J’ai ensuite eu la chance l’année dernière de partir à Miami, au quartier des arts qu’est Wynwood, en compagnie d’un ami artiste et de son manager, afin d’observer et d’apprendre de leur exposition là-bas. Depuis, fort de cette expérience, j’ai réalisé une collection d’une douzaine d’œuvres en grand format. J’ai récemment inauguré ma première exposition solo à Bruxelles. Mon but à court terme est d’exposer dans le monde entier, provoquer des opportunités artistiques avec collaborations intéressantes. Pour le long terme, je vous laisse le suspense…
Quelle a été ton inspiration pour cette fresque ?
Afin d’être dans mon élément et de rester cohérent avec mes autres travaux, je suis parti d’une base qui me ressemble et que j’ai l’habitude de peindre. Les éléments tels que les tigres et les femmes papillons sont déjà présents sur la plupart de mes peintures acryliques.
La pièce est conçue pour respirer la zénitude, la détente et le bien-être. Afin de rendre ce cadre davantage agréable pour les personnes aveugles ou malvoyantes, je me devais d’accentuer ce ressenti au travers de la fresque, que ce soit par l’attitude des personnages ou des couleurs. Ensuite, l’idée d’opposer jour et nuit au sein de la même pièce tombait sous le sens pour moi au vu de l’aménagement et de la répartition de l’espace de cette dernière.
J’ai peint la femme au centre de la fresque avec les yeux fermés, à la fois comme coupée du monde extérieur mais paradoxalement tellement connectée et en harmonie avec le sien. Je me suis donc mis dans la peau de quelqu’un déconnecté de son environnement, méditant et trouvant la paix au sein de son monde, monde que nous, voyants, ne voyons pas. Et c’est là que réside tout le mystère de l’œuvre, c’est l’interprétation d’une dimension inconnue, qui nous échappe.
Est-ce que tu as pensé à la manière dont les personnes déficientes visuelles pourraient ressentir ta fresque ?
Oui, c’était très important pour moi. J’ai ajouté à ma peinture des mediums texturants. Ces derniers sont des gels qui offrent des textures assez agréables au toucher, que ça soit par des granulés ou un durcissant permettant de travailler la peinture en volume.
Travailler pour la Ligue Braille, qu’est-ce que ça représente pour toi ?
Etant dépendant de mes facultés visuelles en tant qu’artiste et hypermétrope, travailler ici ne me laisse pas indifférent et ce, pour plusieurs raisons. Mon hypermétropie et la sollicitation intensive de mes yeux font que l’angoisse de ne plus pouvoir exercer ma passion avec autant d’exigence me poursuit constamment.
Bien sûr mon problème est incomparable à ceux des personnes malvoyantes ou aveugles que la Ligue Braille aide mais le fait de le constater et de les voir se battre avec tant d’honneur et de dignité me fait énormément relativiser. Je suis pris d’admiration pour eux.
De plus, chaque jour ici, je me rends compte de l’aide qu’apporte la Ligue Braille aux personnes aveugles ou malvoyantes. Beaucoup de choses sont mises à leur disposition. Je vois aussi des personnes formidables, que ce soient les personnes que nous aidons, les employés ou les bénévoles.
Elles ont des cœurs énormes et des sourires parés à toute épreuve. Je m’imprègne donc chaque jour des énergies positives qui émanent d’eux et tente de la reconvertir au mieux à travers mes actes quotidiens et mon rapport à mes proches. Cette aventure m’enseigne une des innombrables leçons de vie que notre existence a à nous apporter.