"Matilda" facilite l'apprentissage de la lecture.

Ecriture Matilda

Lune, poisson, rose… voilà souvent les premiers mots que les jeunes enfants apprennent à lire. Mais ce sont aussi des mots qui évoquent pour de nombreux parents le souvenir de soirées difficiles, consacrées à apprendre la lecture à leurs enfants.

Les apprentis lecteurs malvoyants rencontrent une difficulté supplémentaire par rapport à leurs camarades qui n’ont aucun problème de vue : ils lisent beaucoup plus lentement parce que le décodage des lettres est très difficile pour eux. Les recherches ont démontré qu’après l’âge de 9 ans, l’apprentissage de la lecture devient plus complexe. Il est donc très important d’aider les enfants malvoyants dès le début du processus d’apprentissage de la lecture.

Ann Bessemans, de Saint-Trond, a obtenu en octobre 2012 un doctorat à l’université de Leyde. Sa thèse est intitulée « Conception de lettres pour les enfants ayant un handicap visuel ». Nous lui avons demandé quelques explications concernant sa recherche.

Ann Bessemans

Madame Bessemans, vous êtes graphiste. Comment en êtes-vous venue à vous intéresser aux problèmes de lecture des enfants malvoyants ? 

Les concepteurs sont généralement très attachés aux aspects esthétiques et créatifs de leur travail. Il en va de même pour les créateurs de caractères. Mais ils ne doivent pas oublier la finalité pratique de leur travail : la transmission d’un message textuel. Lors de ma formation graphique, je me suis beaucoup intéressée à l’amélioration de la lisibilité et comme je trouvais que de nombreuses recherches avaient déjà été consacrées à la dyslexie, j’ai décidé de m’attacher à l’amélioration de la lisibilité des caractères pour les enfants malvoyants. 

Quel était le point de départ de votre recherche et comment l’avez-vous menée ?

Malgré une intelligence identique et la même offre pédagogique, les enfants malvoyants lisent moins vite que ceux qui voient bien, comme l’ont démontré les chercheurs. Ces enfants éprouvent des difficultés à décoder les mots, à déchiffrer les modèles visuels et à reconnaître les lettres. 

Un enfant déficient visuel lit un livre adapté sur les dauphins.

De nombreuses études de lisibilité ont été réalisées et beaucoup de tentatives ont été effectuées pour concevoir des caractères plus lisibles, mais ces études étaient le plus souvent axées sur les personnes malvoyantes en général, alors que chez les enfants, il s’agit d’une problématique spécifique. Compte tenu du processus d’apprentissage de la lecture et de la présence d’une affection visuelle qui n’est pas due au vieillissement, les résultats des études précédentes ne sont pas vraiment applicables aux jeunes lecteurs débutants porteurs d’un handicap visuel.

Dans mon étude, j’ai travaillé exclusivement avec des enfants. Il s’agissait de leur proposer un maximum de matériel de test (différents caractères) et de comparer leur influence sur le processus de lecture. Ensuite j’ai utilisé les résultats pour créer des caractères, que j’ai à nouveau testés. 

C’est ce qui a finalement donné le nouveau caractère « Matilda ». Qu’a-t-il de spécial et pourquoi est-il plus lisible pour les enfants malvoyants ?

Matilda est un caractère ouvert, rond, large. Les lettres sont construites autour d’un axe stable, pratiquement vertical, avec un faible contraste, nécessaire pour pouvoir agrandir ou réduire les textes. La lecture dans les différents contrastes est agréable parce que les lettres restent bien visibles. Elles possèdent des extrémités en forme de feuilles, de sorte que leurs limites sont clairement soulignées, ce qui favorise leur reconnaissance.

Et pourquoi le nom « Matilda » ?

La police de caractère porte le nom de Matilda, la petite fille qui aime lire dans l’oeuvre homonyme de Roald Dahl.

Avez-vous l’intention de commercialiser Matilda ?

L’étape suivante sera d’abord de compléter Matilda et ensuite de commercialiser le caractère. Différentes discussions ont déjà été menées à ce sujet. Nous avons déjà lancé une étude de suivi pour affiner encore les caractères pour les enfants déficients visuels.

Votre étude a-t-elle mis au jour des observations qui pourraient aider les parents et les instituteurs d’enfants malvoyants à promouvoir l’apprentissage de la lecture ?

Absolument. Ma recherche est arrivée à une conclusion surprenante : les enfants ayant une vue normale font moins de fautes avec un caractère à empattement (comme par exemple Times New Roman), alors que les enfants sont principalement confrontés à des caractères sans empattement (notamment Arial, Helvetica, Verdana) à l’école primaire. Chez les enfants malvoyants, il n’y a pas de différence prononcée entre les deux types de caractères. Les résultats de ma recherche semblent indiquer qu’avec les empattements, les lettres (et surtout leurs extrémités) sont mieux délimitées et favorisent donc la lisibilité.

Mon étude réfute également l’hypothèse selon laquelle, pour les lecteurs débutants, les lettres doivent être aussi simples que possible et imiter autant que faire se peut l’écriture manuscrite. Au contraire : il est important que les enfants malvoyants puissent lire un maximum de textes imprimés. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il vaut mieux leur proposer des textes en impression standard (avec des aides optiques évidemment) qu’en impression large. Les enfants malvoyants qui ne connaissent que des imprimés larges, en association avec leurs aides optiques, ne progressent pas en termes de vitesse de lecture, contrairement à ceux qui utilisent l’impression normale. Une explication logique serait qu’un agrandissement trop important pourrait ralentir la vitesse de lecture, parce que l’enfant doit alors effectuer davantage de mouvements des yeux et faire un plus gros effort de mémorisation.

Pour finir, il faut bien souligner qu’un caractère n’est qu’une forme d’aide : il ne pourra jamais résoudre totalement le problème de lecture des enfants malvoyants.

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